Pascale Santi
Nous le savons, faire du sport c’est bon pour la santé et le moral. Nous savons également que l’activité physique est un facteur de prévention des risques de cancer, notamment ceux du sein et du côlon. Récemment ont aussi été mis en évidence ses effets positifs sur l’endomètre, la vessie, le rein et l’estomac.
Une vaste étude menée par des chercheurs de l’American Cancer Society, publiée fin décembre 2019, dans le Journal of Clinical Oncology, va plus loin. Elle montre les liens entre l’activité physique et l’incidence de quinze types de cancer. Cette étude rassemble les données de neuf cohortes, soit 755 459 personnes, suivies pendant dix ans, le cancer du poumon n’étant pas étudié, en raison du facteur de risque élevé que constitue le tabac.
Les résultats sont sans appel : la pratique hebdomadaire de 2,5 à 5 heures d’une activité physique d’intensité modérée (3-6 metabolic equivalents of task ; MET ; équivalents métaboliques) pendant les loisirs, ou de 1,25 à 2,5 heures d’activité physique d’intensité vigoureuse permet de réduire significativement les risques de contracter sept cancers différents. Pour mémoire, une activité modérée, la marche rapide par exemple, permet de brûler de 3 à 6 fois plus d’énergie que la position assise. Et une activité vigoureuse dépasse 6 MET, niveau qui correspond à la fourchette haute des recommandations de l’OMS, à savoir l’activité nécessaire « pour pouvoir en retirer des bénéfices supplémentaires sur le plan de la santé ».
Plus précisément, les données étudiées mettent en évidence que, pour le cancer du côlon chez l’homme, le risque est diminué de 8 % en pratiquant 2,5 heures par semaine et de 15 % avec 5 heures hebdomadaires. Même constat pour le cancer du sein (un risque amoindri de 6 % à 10 %), de l’endomètre, du rein, du foie (un risque diminué de 18 % à 27 %), du myélome et du lymphome non hodgkinien. Si les auteurs pointent des limites de l’étude – faible nombre de patients pour certains types de cancer, recueil par autodéclaration, origine européenne des participants –, leur conclusion est claire et nette : adopter puis maintenir une activité physique aux niveaux recommandés permet de réduire les risques de cancers multiples.
« C’est une étude très intéressante », commente le docteur Thierry Bouillet, oncologue à l’hôpital Avicenne (Bobigny), un militant de la première heure des effets positifs du sport dans la prise en charge du cancer, qui a créé, avec Jean-Marc Descotes, l’association CAMI Sport & Cancer, il y a vingt ans. « L’activité physique diminue aussi certains effets secondaires des traitements comme la prise de poids et la sarcopénie [perte de masse musculaire]. Or, on sait que les patients en surcharge pondérale ou obèses ont plus de risques d’avoir des complications liées à la chirurgie, aux traitements », poursuit le docteur Bouillet.
De nombreux travaux ont montré que l’augmentation de l’IMC est liée à un risque accru de cancer. Une étude danoise récente identifie un risque de cancer majoré de 12 % pour les personnes en surpoids ou obèses. L’obésité engendre en effet un mécanisme d’inflammation chronique et d’insulino-résistance qui sont des facteurs cancérigènes. En outre, le renforcement de la masse musculaire réduit la toxicité des traitements. Le sport agit aussi en stimulant les graisses intra-abdominales. Plus globalement, l’activité physique agit sur certaines hormones (insuline et œstrogènes), l’inflammation (adiponectine et leptine) et stimule l’immunité, en augmentant le nombre et/ou l’activité des macrophages et des lymphocytes, résume l’Institut national du cancer.
L’activité physique soutenue et régulière est le meilleur moyen d’endiguer la fatigue. Et, cercle vertueux, le sport lutte contre la grande sédentarité inhérente à la maladie. Or, un comportement sédentaire est associé à un risque accru de cancer. Le combat contre la maladie est une lourde épreuve, mais l’activité physique peut être une alliée. Et, dans tous les cas, c’est bon pour le moral !